Les Allemands entrent en zone libre. Ils occupent Brive la Gaillarde en novembre 1942 alors que les Américains débarquent en Algérie.
« La police de Vichy commence à rafler les juifs. Les premières rafles se déroulent de nuit et c’est d’abord les juifs étrangers qui sont arrêtés. D’abord ceux entrés en France après 1936, puis aussitôt après ceux arrivés en 1932. Après ça a été les enfants de ceux qui avaient fait Verdun. Ceux qui pensaient qu’ils ne seraient jamais arrêtés. On savait que la police avait commencé à boucler le quartier. On est resté toute la nuit terrés, chacun dans notre lit à attendre, sans bouger. Ils sont arrivés à l’aube, à cinq heures du matin. Ils entouraient la maison puis ils ont cogné à la porte. On n’a pas répondu. Ils sont revenus à 6 heures du matin, à l’heure légale, avec un serrurier, et ils ont ouvert la porte. C’était la police de Vichy avec des Allemands en civil. Ils sont montés et ont demandé : Qui est Éphraïm Denner ? C’était Fred, et ils l’ont pris. Notre père a fait un malaise au fond de son lit. Mais ils ne l’ont pas pris parce qu’il était trop vieux. Ni moi non plus parce que je n’étais pas majeur. Ce jour là ils n’emmenaient que les hommes aptes au travail… »
« Alfred sera relâché après avoir été sauvé par David Feuerwerker, le rabbin de la communauté de Brive la Gaillarde, dont il était devenu l’élève. Jenta, la mère d’Alfred, avait eu l’incroyable intuition de rapporter à son fils Alfred la radiographie du propriétaire de leur maison. Il était tuberculeux et elle l’avait retrouvée au grenier. Un pseudo conseil de révision réunissant les hommes raflés qui s’étaient inscrits comme inaptes au travail avait été improvisée au château de Ségur. Le rabbin embarqué dans la voiture du sous-préfet avait réussi à apporter la radiographie à Alfred qui fut réformé. Cinq autres hommes furent réformés avec lui : un vieillard, un aveugle, et deux autres. Vers six heures du soir, le rabbin les a réunis dans la pièce où ils étaient, où il y avait des châlits posés les uns à côté des autres. Il leur a dit : «Il n’y a pas de train ce soir pour Brive ; il y a un train demain matin. Les hommes libérés prendront le train demain matin». Le rabbin s’est alors approché de Fred, c’était au moment de la prière du soir et il lui a dit : « Tu retournes avec moi !». Il y avait une place dans la voiture du sous-préfet. Nous avons appris ensuite que le lendemain matin il y avait eu un contre-ordre. Les exemptés étaient repartis avec tous les autres. Et personne n’est revenu ! Sauf Fred… »
Cliché privé : Alfred Denner – 1946