Charles et Fred rejoignent le maquis du Vercors.
Alfred se cache quelques jours dans une villa inhabitée en face de celle de ses parents. Puis il se terre pendant huit jours dans le grenier de l’école communale de Brive, où il est nourri par le directeur, le soir après le départ de tous les élèves. La famille fuit le pavillon de la Cité des Roses pour aller se cacher chez une tante habitant un petit logement à Grenoble. Ils déménagent ensuite à l’Ermitage, une maison isolée de deux pièces à la Haute-Jarrie. Charles et Fred se cachent chacun pendant quelques mois chez des paysans qui en ont fait leurs valets de ferme. Ils rejoignent ensuite le reste de leur famille à la Haute Jarrie. La propriétaire du lieu est douteuse et ils craignent d’être dénoncés. Trois jours avant que Charles et Alfred montent au maquis la famille décide de quitter l’Ermitage pour partir se cacher à La Mure, dans une ferme de montagne totalement isolée. Ils partent plusieurs fois se réfugier dans la forêt toute proche de leur maison quand ils apprennent ou craignent que les camions allemands montent au village.
« Quelques semaines avant notre départ pour le maquis, notre mère a fini par rencontrer un militant communiste en qui elle a eu confiance. Il lui a expliqué que Fred et moi devions écrire une lettre qu’il transmettrait à qui de droit. Pour avoir des chances d’être admis il lui a conseillé d’écrire que nos parents avaient été arrêtés sur la ligne de démarcation, que nous étions seuls et que nous voulions rejoindre le maquis. Peu de temps après on a reçu l’information du jour et du lieu où l’on nous attendait à Villard-de-Lans. On a pris le bus à Grenoble pour Villard-de-Lans. Il y avait parfois des contrôles de police. On a eu de la chance, personne n’est monté ce jour là. Et puis on avait nos faux papiers. A l’endroit indiqué à Villard-de-Lans le gars qui avait renseigné notre mère nous attendait. Il nous a conduits jusqu’à Méaudre, dans un bistrot. De là il nous a accompagnés jusqu’à Autrans. Puis on a marché à pieds pour rejoindre une cabane. Il marchait devant nous. Il n’y avait pas de chemin tracé. Il y avait de la neige déjà, mais il y avait des pas déjà faits. On a continué et on est arrivé à un camp.
C’était le C1 de Méaudre, un camp de l’AS (L’Armée Secrète) qui était gaulliste, les F.T.P. eux, étaient communistes. Ils auront la chance de recevoir une formation militaire des deux gradés qui commandaient leur groupe. De nombreux camps du Vercors étaient dirigés par des civils qui n’avaient aucune formation militaire et parfois pas d’armes. Ces combattants là furent nombreux à y laisser leur vie. Ce ne fut pas le cas de leur groupe. Les journées étaient occupées aux corvées de ravitaillement et à l’entraînement militaire. Des marches, du tir, allongés sur la neige glacée avec les doigts qui collent sur la gâchette en métal pour dégommer une bouteille à 100 mètres : on la rate bien sûr. On a trop froid ! Le doigt reste collé à la gâchette ou à la partie que tu tiens du mousqueton. Le froid et la neige tu les maudis. C’était entraînement et ravito, pendant des jours et des jours. On s’emmerdait assez tristement. Fred a tenu un journal en hébreu et en français pendant cette période. Il évoquait cette terrible monotonie, que j’ai vécue de la même façon… C’est comme ça qu’on a passé tout l’hiver 1943 jusqu’au débarquement de juin 1944. »
Cliché privé : Charles et Alfred Denner, Grenoble, 1944