À la libération, Charles Denner décide de suivre le cours d’art dramatique de Charles Dullin qu’il considérera toute sa vie comme son maître. Cette première expérience des planches lui procurera les plus grandes satisfactions de sa carrière. Pendant cette période, attaché au renouveau du théâtre yiddish en langue française porté par la troupe des Compagnons de l’Arche d’André Marcovici, il joue plusieurs rôles dans quatre pièces, dont Le Dibbouk de An Ski. Il interprète ensuite un clown dans Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire, mise en scène de Clément Hariri où Jean Vilar, qui dirige le Festival d’Avignon, le remarque. Il n’a que 23 ans et Jean Vilar lui donne pourtant le rôle de Don Arias, le quadragénaire raisonneur du Cid de Corneille.
Il intègre ensuite la troupe du TNP aux côtés de Gérard Philipe, Germaine Montero, Monique Chaumette, Maria Casarès, Silvia Montfort, Jean Le Poulain, Philippe Noiret, Philippe Avron, et bien d’autres. Il accompagnera bon nombre des 81 spectacles que Jean Vilar montera devant près de 5,5 millions de spectateurs. On retiendra les compositions impressionnantes qu’il fit au TNP, de Gori (Hermann Göring) dans La Résistible Ascension d’Arturo Ui de Bertold Brecht mis en scène et joué par Jean Vilar ou de Matti dans son duo avec Georges Wilson dans Maître Puntila et son valet Matti de Bertold Brecht. Viennent plus tard les rôles saisissants du Rogogine de l’Idiot de Dostoïevski monté par André Barsacq au Théâtre de l’Atelier, puis celui de l’avocat des Rosenberg ne doivent pas mourir d’Alain Decaux monté par Jean-Marie Serreau dans la tournée des Tréteaux de France. La palette extrêmement diversifiée de ses compositions lui vaudra son premier rôle important au cinéma dans le Landru de Claude Chabrol. À côté des personnages qu’il incarne à la télévision et au cinéma il ne cessera de jouer au théâtre jusqu’en 1968. Après une longue parenthèse de 16 années il y revient pour tirer sa révérence sur scène dans le rôle du Marionnettiste de Lodz de Gilles Ségal. Comme une longue boucle, sa carrière de comédien aura débuté avec son engagement pour le théâtre yiddish et se refermera dans les questions de la guerre de l’homme seul du Marionnettiste de Lodz.